Le contexte
Le service militaire est instauré dans les quatre « vieilles » colonies (Guadeloupe, Guyane, Martinique, Réunion) à partir de 1913.
A l’aube de la « Grande Guerre », le 1er août 1914, lorsque parvient l’ordre de mobilisation, ils sont nombreux les antillo-guyanais à se porter candidats et à vouloir partir défendre la « Mère Patrie ».
En effet, 66 ans après l’Abolition de l’Esclavage(1848) dans les colonies françaises, les nouveaux citoyens ont à cœur de prouver leur reconnaissance, leur attachement à la France et d’agir en « bons français ».
L’acte de citoyenneté ultime reste « l’impôt du sang », à savoir l’obligation militaire.
Mais tout le monde n’est pas mobilisable :
Aux Antilles, les descendants indiens ne sont pas mobilisés car ils ne sont pas encore citoyens français.
En Guyane, les étrangers (Chinois, Libanais, Indiens), les Bushinengués, les Amérindiens et les bagnards ne sont pas concernés par la mobilisation.
Malgré les nombreux exemptés pour causes de maladies, on estime le nombre de personnes recrutées à :
• Guadeloupe : 6345
• Guyane : 1610 (dont 530 antillais)
• Martinique : 8788
• TOTAL : 16743
Âgés de 18 à 45 ans, les aspirants soldats antillo-guyanais, reçoivent une instruction militaire rapide, avant de partir sur le front, à partir de 1915.
C’est en Martinique qu’ont lieu les départs pour l’Europe pour les soldats antillo-guyanais et quelques hommes originaires de l’île caribéenne de Saint-Thomas.
La traversée se fait en bateau et dure 12 jours.
Ils intègrent les troupes françaises et non les troupes coloniales (Afrique du Nord, Subsaharienne, Indochine) et se battent en France hexagonale et en Afrique du Nord.
Près d’un tiers de ces soldats a perdu la vie soit sur le front européen (batailles de la Marne, de la Somme, de Verdun) soit sur le front d’Orient (batailles des Dardanelles).
La préparation militaire par le chant
Lors de sa formation militaire, les soldats apprennent à manier les armes, à marcher au pas et à vivre en collectivité.
L’apprentissage de chants rythme le quotidien.
Ces chants permettent :
• d’établir une meilleure cohésion de groupe
• de donner du courage et de galvaniser les troupes
• de raviver l’esprit patriotique
• d’exprimer la vie de soldat (quotidien difficile, couples séparés par la guerre…)
• de distraire les soldats.
La dimension artistique n’est qu’accessoire.
Il existe plusieurs catégories de chants de soldats :
• Les chants patriotiques
• Les chants de marche : aux paroles souvent grivoises
• Les chants de bivouac : aux paroles nostalgiques
• Les chants de parades et défilés
• Les chants de traditions : Histoire et unité de la France
• Les chansons à boire : pour exorciser la peur et la violence.
Transmission orale des chants antillo-guyanais
Chaque corps, chaque troupe a son registre.
La vente de livrets de chants militaires se développe. Certains soldats lettrés créent leur propre cahier de chants. Ils recopient les chants appris, les adaptent à leur envie, en inventent…
Malheureusement, il n’existe pas de livrets militaires de soldats d’outremer.
N’étant pas intégrés aux troupes coloniales, ces derniers apprennent les chants des troupes françaises.
Il est fort probable qu’en plus des chants appris, ils aient également inventé leurs propres chants.
Mais la grande majorité ne sachant ni lire ni écrire, la transmission se fait oralement. Un tiers des soldats antillo-guyanais étant morts sur le front, cette transmission orale a disparu avec eux.
Malgré tout, quelques traces subsistent de certains chants.
- Quelques chants font référence au front d’Orient, où ont combattu beaucoup d’antillais, comme le fameux « Sé an Dardanelles« .
- Les Dardanelles sont restées dans la mémoire collective des Antillo-Guyanais comme un traumatisme, car la vie y est dure à cause du manque d’eau et de ravitaillement, de la chaleur étouffante en été, du froid glacial, des permissions inexistantes.
- Les combats en Alsace et Lorraine résonnent jusqu’aux Antilles. Dans les années 60, le chanteur de bèlè martiniquais Ti Raoul Grivalliers chantait Sé l’Alsace sé la Lorraine. On le retrouve avec le Groupe De Morne Des Esses.
L'Hymne créole
L’Hymne créole est un chant de ralliement et de fierté que les soldats antillo-guyanais chantaient avant de partir au front.
En voici les paroles :
Camarades, le clairon sonne,
Il faut qu’il ne manque personne.
Voici ton heure, impôt du sang
En avant pour le régiment
De Saint-Martin jusqu’en Guyane
Du Morne Vert à la Savane
France, tous les enfants sont là
On va partir hardis soldats
En avant pour la métropole !
Adieu Maman chérie
On s’en va servir la patrie
Presse-moi bien fort dans tes bras
En priant Dieu pour ton p’tit gars
Et toi ma brune aux yeux noirs,
Mon idole, Garde en ton cœur nos doux espoirs
Pendant qu’on fera son devoir !
Refrain
Chantons en chœur l’hymne créole
Les Guyanais les Antillais
Sont fiers d’être soldats Français
Schoelcher que tes mânes frémissent
Tes vœux les plus chers s’accomplissent
Que sombre ou claire soit la peau
Pour nous il n’est qu’un seul drapeau
Noble étendard, vole à la gloire
Ramène entes plis la victoire
Jusqu’à la mort, au champ d’honneur
Nous défendrons les trois couleurs.
PLUS D'INFOS
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