Animateur, auteur-compositeur, satiriste, chanteur de charme, musicien polyvalent, promoteur de la Biguine, Gérard La Viny a été surnommé "l'Ambassadeur des Antilles à Paris".
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Bourgeois mélomane

Né à Basse-Terre le 17 avril 1933, dans une famille bourgeoise mélomane de la Guadeloupe, Gérard La Viny (Labiny de son vrai nom), avec une formation classique de violon et solfège a toujours baigné dans l’univers musical.

Sa mère étant d’origine portoricaine, il passe de nombreuses vacances à Porto Rico et est sensibilisé aux musiques afrolatines. Ce qui le pousse même finalement à choisir la guitare, comme instrument de prédilection, plutôt que le violon.

Mais bien que passionné de musique, sa classe sociale ne lui permet pas d’envisager une carrière professionnelle. La voie choisie par ses parents est toute tracée : des études à Sciences-Pô à Paris.

Appel de la musique plus fort

Contraint, Gérard La Viny suivra donc à contre-coeur les études à Sciences-Pô, malgré quelques rebellions concrétisées par des fuites échouées à Porto-Rico.

En contrepartie , il s’épanouit la nuit, chantant et jouant de sa guitare dans les restaurants parisiens.

Débuts difficiles

Déterminé à faire de la musique, Gérard La Viny l’est, mais les conditions ne sont pas faciles. Son premier contrat comprend l’animation en échange d’un repas et d’une misérable quête parmi la clientèle. Plus tard, il perçoit un petit pourcentage sur chaque repas vendu.

Quant à l’hébergement, il se limite à la charité d’un ami étudiant qui lui permet de dormir dans son lit, quand lui, part en cours.

La Canne à Sucre, le graal des musiques antillaises à Paris

L’année 1953 est un tournant décisif pour lui. Engagé au célèbre restaurant La Créole (situé à Paris, à l’époque dans le 8e, contrairement à aujourd’hui, le 14e ), il connaît enfin le succès et abandonne même s études.
Il y fait la rencontre d’Henri Salvador, qui devient son mentor et lui fait profiter de ses relations.

En 1955, sous le parrainage de Joséphine Baker, il est recruté comme Directeur Artistique au cabaret La Canne à sucre, à Montparnasse, lieu incontournable des musiques antillaises créé en 1949, qui accueille le Tout-Paris des célébrités, intellectuels, artistes et touristes. Âme vivante du lieu, il y restera plus d’une vingtaine d’années.

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Gérard La Viny et Henri Salvador
Gérard La Viny et la chanteuse Moune de Rivel, artiste phare de la Canne à Sucre

Adaptation en français de la B.O. du film Orfeu Negro

1958 est vraiment pour Gérard La Viny, l’année de toutes les rencontres, de toutes les opportunités et où tout s’enclenche.

Il fait la connaissance du réalisateur Marcel Camus, qui lui expose son projet de film « Orfeu Negro ». Cela lui donne l’idée d’adapter et d’interpréter en français la musique du film, originellement composée par les brésiliens Antônio Carlos Jobim et Luiz Bonfá.

Accompagné de l’orchestre « Los Brasilianos » de Jimmy Walter, il sort 4 titres :
La chanson phare « Felicidade » devenue « Adieu Tristesse »;
• Carnaval Samba (O nosso amor)
• Chanson d’Orphée (Manha de Carnaval)
• Samba d’Orphée (Samba de Orfeu)

Il connaîtra une autre expérience de composition de musique de film en 1961, avec L’Espace d’un matin, le premier film de Sergio Gobbi, réalisateur, scénariste, et producteur de cinéma italien installé en France.

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Marpessa Dawn a été son employée à la Canne à Sucre

En 1958, alors inconnue en France, l’actrice-chanteuse américaine Marpessa Dawn convainc Gérard La Viny de l’engager comme chanteuse et danseuse à La Canne à sucre. En 1960, elle enregistre même un album avec lui, intitulée « A case » à la Canne à sucre, où elle est lead vocal sur le titre « L’Amour c’est toi ».

La même année 1958, elle fait la connaissance du réalisateur Marcel Camus qui lui offre le rôle principal d’Eurydice dans le film Orfeu Negro, sorti en 1959.

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Marpessa Dawn en robe verte à côté de Gérard La Viny

Collaboration avec Boris Vian

Introduit par son ami-mentor Henri Salvador, Gérard La Viny fait la connaissance de Boris Vian. Ce romancier, journaliste, traducteur, parolier, promoteur du Jazz en France, chargé du catalogue « Jazz » chez Philips Fontana a marqué de son empreinte la culture française. Ensemble, ils vont écrire plusieurs chansons et collaborer de 1958 à 1962, les disques de Gérard La Viny sortant sur le label Fontana. Du premier 45 tours, il en ressort deux grands succès écrits conjointement, « Sans chemise, sans pantalon » et « Ma mère, c’est ta belle-mère ». Le ton est donné : humour absurde, décalé, bref la déconne assumée…

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Montage avec de g à dr. : Boris Vian, Henri Salvador et Gérard La Viny

Entre satire et sérénade

La satire sociale est le genre qui sied le plus à Gérard La Viny. Sous couvert de légèreté, des problèmes sociétaux réels inspirent ses chansons.

Par exemple, « Scandale dans la famille« , adaptation française d’une chanson populaire de Trinidad &Tobago, « Shame and Scandal in the Family », traite de l’infidélité et des enfants naturels cachés, issus de ce comportement.

« Roulé pa sizé douvan » est une prévention contre les grossesses indésirables, prématurées, survenues par le zèle de jeunes harceleurs.

« Bois un coup et va au lit » est une philosophie de vie, une façon détachée d’appréhender les coups durs de la vie et de les surmonter.

Sa « Philosophie » à lui c’est prendre les choses telles qu’elles viennent, avec détachement….

Si par ses talents d’animateur, Gérard La Viny sait comment mettre l’ambiance et déclencher l’hilarité générale dans le public, il sait tout autant tempérer les choses et apaiser l’atmosphère avec des chansons de charme telles que  » Ou belle  » –  » Bondie bon  » –  » La sérénade  » –  » Tal vez « 

Humour décalé pas toujours compris

Amateur de chansons d’auto-critiques et d’auto-dérision, voire d’humour noir , dans lesquels il mettait en lumière les travers et les contradictions des antillais, pour faire bouger la société vers des valeurs plus positives. Cependant, certaines de ses chansons n’ont pas été bien reçues, même en restant de gros succès, notamment la chanson « Neg ni mové mannyè » (Les Nègres ont de mauvaises manières », perçue comme de la haine de soi, du racisme de mulâtre envers les noirs plus foncés, du colorisme.

Chansonnier de son époque

Fin observateur de son époque, Gérard La Viny utilise la biguine dans son utilité première : raconter une chronique de vie, saisir un instantané sur un fait divers ou historique.

Deux de ses biguines, illustrent particulièrement cela :

1962 : Crash du Boeing 707 d’Air France en Guadeloupe 

Le 22 juin 1962, le Boeing 707 d’Air France, immatriculé F-BHST, en provenance de Paris s’écrase à Deshaies en Guadeloupe, alors qu’il est en approche sur l’aéroport du Raizet de Pointe-à-Pitre, provoquant la mort des 103 passagers, principalement des étudiants guadeloupéens rentrant chez eux pour les vacances et des dix membres d’équipage.
Parmi les victimes, le propre père de Gérard La Viny.

1974 : Visite du Président Giscard aux Antilles 

Cette chanson d’un autre temps il faut le dire, qui reprend même le fameux slogan de campagne électorale du président, « Giscard à la barre » témoigne de la liesse populaire (organisée, instrumentalisée ou non) qu’à connue le président de la République Giscard d’Estaing en visite aux Antilles en 1974.

Lanceur en France du merengue, du calypso et du limbo, à partir de la Canne à sucre

De part ses origines portoricaines par sa mère Gérard La Viny a toujours eu cette sensibilité « latine » et parce qu’aussi il était un caribéen affirmé, il a joué tous les rythmes qu’on retrouve dans cette zone géographique.

Il a même utilisé un pseudo à consonnance latine, Geraldo La Viny, pour surfer sur la vague.

Certains rythmes tels que la samba, les musiques afro-cubaines avaient déjà connu leur âge d’or en France dans les années 30, y compris la biguine, mais d’autres telles que le merengue, le calypso ou la danse limbo étaient encore inconnues.

Ayant le nez fin, Gérard La Viny a fait du cabaret antillais la Canne à sucre, LE LIEU des musiques caribéennes, des nouvelles tendances.

Pour cela, il savait s’entourer des meilleurs musiciens de la place.
Par exemple, le contorsionniste Joe CLEMENDOR, alias Cobra Man, créait l’attraction en dansant le  » limbo « . Il a aussi collaboré avec Gerard La Viny, alias Geraldo La Viny sur un album de calypso.

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Rythmes et Danses du Brésil_Juracy Fereira accompagné par l'orchestre de Gérard La Viny
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Dansons le cha-cha-cha,le mambo et le merengue_Gérard La Viny et son orchestre
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Geraldo La Viny Et Son Orchestre Avec Joe Clemendore (Cobra Man)– Calypso

Le Show La Viny après la Canne à Sucre

Après une vingtaine d’années à la Canne à Sucre, Gérard La Viny devient un grand entrepreneur de spectacles, toujours dans l’esprit cabaret.
Il crée avec son fils Eddy, le Show La Viny, qui comprend un grand orchestre, une troupe de danseuses, diverses revues.

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La chanteuse Joëlle Ursull a débuté avec lui

Avant de faire partie du groupe Zouk Machine, puis de poursuivre une carrière solo à succès, la chanteuse Joelle Ursull a longtemps été danseuse dans la troupe de Gérard La Viny et aussi collaboré avec Eddy La Viny, le fils.

Aujourd'hui taxé de Doudouiste par certains

Toute sa vie, Gérard La Viny a œuvré pour les Antilles, a défendu la biguine et la culture antillaise, avec ses armes à lui, dans le contexte de l’époque.

Son authentique bonne humeur, ses rythmes chaloupés, ses danseuses sexy ou en costume créole, ses rimes faciles ont pu laissé certains penser (à tort?) qu’il oeuvrait au service d’une certaine France, colonialiste, imbibée de clichés, ce qui expliquerait son grand succès.

Décès

Gérard La Viny est décédé à Paris, des suites d’une longue maladie le 06 octobre 2009. A ses obsèques, de nombreuses personnalités du show-biz antillais étaient venus lui rendre hommage. Il est enterré au cimetière de Montmartre.

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Kaza

Kaza

Martiniquaise, passionnée de culture et de musiques en tous genres. Spécialiste de la grande Caraïbe.

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FWI MUSIC HERITAGE (FMH) est un portail d’informations et de ressources spécialisé dans les musiques, danses et formes d’oralité des Antilles-Guyane françaises.

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