Née en Martinique le 22 avril 1910, Jenny Alpha arrive à Paris en 1929, où elle est décédée le 8 septembre 2010, à tout juste l’âge de 100 ans.
Très active professionnellement jusqu’à mort, elle était la Doyenne des comédiennes françaises.
Peu de femmes artistes antillaises ont marqué le 20e siècle et la vie culturelle de l’Hexagone comme Jenny Alpha.
D’abord par sa longévité, mais aussi par la diversité de sa carrière, entre music-hall, théâtre et cinéma, le tout servi avec un charisme, une énergie positive, une incroyable vitalité et un esprit pionnier faisant fi des obstacles et préjugés.
Carrière d'actrice contrariée… la musique et la danse, en plan B, mais avec panache
Jenny Alpha a toujours rêvé d’être actrice, mais la société française coloniale des années 30-40 lui a offert peu d’opportunités.
Persévérante, elle devra attendre les années 60, pour pouvoir enfin s’épanouir sur les planches.
Mais c’est en 1975 qu’elle abandonne le cabaret pour se consacrer définitivement au théâtre.
Si le théâtre a été le grand amour de sa vie, la musique lui a permis de faire carrière, en attendant l’arrivée des grands rôles à sa mesure. Bien que plan B pour elle, Jenny Alpha a mené sa carrière dans la musique de la plus belle des manières, à sa façon, voire dans la singularité.
Jenny Alpha, vedette de Music-Hall
De 1945 à 1950, Jenny Alpha entame une carrière, pleine de succès, de chanteuse et danseuse, qui la mènera du cabaret antillais La Canne à Sucre, dans le quartier de Montparnasse, aux casinos et théâtres de province et aux grandes villes européennes. Son répertoire comprend les musiques créoles, la chanson française et les standards internationaux.
Cheffe d'orchestre durant 16 ans
Après avoir débuté en solo, Jenny Alpha décide de monter son propre orchestre.
Pour ce faire, elle sélectionne les meilleurs musiciens, blancs et noirs, de l’époque.
Être cheffe d’orchestre est une chose extrêmement rare pour une femme à l’époque, noire de surcroît, seule femme au milieu d’hommes.
De 1950 à 1966, Jenny Alpha dirige le grand orchestre, Les Pirates du Rythme, avec un répertoire Jazz et « Typique », terme utilisé, alors, pour englober des musiques telles que la biguine, les musiques afro-cubaines et autres.
Plus qu’un orchestre, c’est un véritable spectacle que livrent les musiciens de Jenny Alpha, qui les met en scène.
Parmi les musiciens qui sont passé dans l’orchestre des Pirates du Rythme on note :
Au Piano :
• Joseph GINSBURG (père du chanteur Serge GAINSBOURG), durant 8 ans,
• Le togolais, adopté et grandi en Allemagne, Bruce KWASSI,
• Le martiniquais, René LEOPOLD, professeur d’anglais en disponibilité de l’inspection académique, ultra talentueux,
• L’haïtien Maurice THIBAULT.
Au saxophone :
• Soprano : le martiniquais José BENJAMIN, premier saxophoniste antillais à jouer du soprano,
• Tenor :
• Roland FRACONNY
• Le guadeloupéen Georges COUDOUX
• Le martiniquais Ti Marcel LOUIS-JOSEPH
• L’illustre Robert MAVOUNZY, guadeloupéen, le plus grands des saxophonistes antillais.
A la guitare :
Le guyanais d’origine guadeloupéenne, Roland PATERNE.
A la batterie :
Le guadeloupéen Noël TALQUONE et VARTIVANIAN
A la clarinette :
Le martiniquais Eugène DORENT
Au violon et à la contrebasse : le talentueux Cubain JUNQUERA
A la trompette : Jo SMITT
Avec Les Pirates du Rythme, Jenny Alpha parcourt les casinos et stations balnéaires de province et d’Europe.
2008, La Sérénade du Muguet, l'album de ses succès
En 2008, à l’âge de 98 ans, Jenny Alpha sort un album solo, chapeauté par les valeurs sûres que sont l’artiste martiniquais « tout terrain », Tony Chasseur et le pianiste français hexagonal, passionné de biguine qu’est David Fackeure, réalisateur de l’album.
Sur cet album, elle reprend ses grands succès en compagnie d’invités comme le Français Thomas Dutronc ou le Mauricien Alain Ramanisum. Le CD contient aussi les versions originales de la « Sérénade du muguet » et de « Douvan Pote Doudou » qu’elle avait déjà enregistré notamment, en 1953 avec l’orchestre du guadeloupéen Silvio Siobud.
Liste de lecture
Poésie et chants en hommage à son mari
Fidèle à la mémoire de son second mari, le grand poète français, Noël-Henri Villard (1904-1984), avec lequel elle a partagé plus de 43 années de vie commune, Jenny Alpha organise dès 1985 chaque année, une soirée annuelle de poésie et de chants en son hommage.
Amie des intellectuels et Egérie des grands peintres
Contemporaine des intellectuels et artistes français, afro-américains et antillais du Paris des années 30 et après-guerre, Jenny Alpha est très amie avec le poète surréaliste Robert Desnos, rencontre le peintre Dali, Joséphine Baker, côtoie le trio Césaire-Senghor-Damas au début du mouvement de la Négritude, assiste au premier congrès des écrivains noirs en 1956…
En 1942, elle est l’égérie du peintre Picabia, artiste espagnol, à la naissance du mouvement Dada qui peint son portrait et elle est choisie comme modèle en 1947, pour un timbre symbolisant la Martinique, créé par Mr Lemagny, lauréat du Grand Prix de Rome.
Distinctions
• Chevalier de la Légion d’honneur (1er janvier 2009).
• Officier de l’Ordre des Arts et des Lettres (9 février 2005)
• Chevalier de l’Ordre national du Mérite (20 juin 2000)
Le 22 Avril 2000, afin de célébrer son quatre vingt dixième anniversaire, l’association Antillaise, « l’ACACA » lui rend un brillant hommage en présence de nombreuses personnalités Antillaises et de l’hexagone. Ce même jour Jenny Alpha est décorée de la Médaille d’Or des grands musiciens Martiniquais par « Les Rencontres Musicales Anderson BAGOE ».
Mémoire de Jenny Alpha
Association "Les Amis de Jenny Alpha"
L’Association « Les Amis de Jenny Alpha » s’est donné comme objectif de promouvoir et de mettre en œuvre toutes les actions et formes d’expression visant à perpétuer la mémoire de Jenny Alpha.
Une autobiographie
• Paris Créole Blues de Jenny Alpha avec Natalie Levisalles, Éditions du Toucan, avril 2011
Deux documentaires
Teaser du documentaire sur l’actrice Jenny Alpha réalisé par Thierry Desroses et Gilles Oddos.
Une place
Le 15 juin 2013, une petite place du 15e arrondissement de Paris est baptisée du nom de l’artiste martiniquaise. Une plaque commémorative est aussi visible sur la façade parisienne du 39 rue de l’Abbé Groult où l’artiste a vécu plus de 37 ans.